Médicaments et ostéopathie: amis ou faux-amis? La réponse de votre ostéo
Il y a plus d'un siècle Andrew Taylor Still, le fondateur de l'ostéopathie, disait du corps humain qu'il était "la pharmacie de Dieu" dans le sens où l'organisme se suffisait à lui-même pour guérir. Cette pensée a jeté les bases d'une philosophie du soin par la thérapie manuelle et trouvé écho parmi les esprits réfractaires à la médecine allopathique.
A notre époque où les avancées de la science pharmaceutique sont proportionnelles à la perte de confiance dans les médicaments, je ne compte plus les patients qui fuient les médecins et leurs prescriptions. La prise médicamenteuse est un sujet épineux, régulièrement pris en étaux entre scandales sanitaires, laboratoires et lobbys, automédication à risque, mésinformations et désinformations, idées reçues et/ou pratiques dangereusement inconscientes… Mais en tant qu'acteur de la santé de ma patientèle, je me sens quelque peu obligé, moi le simple thérapeute manuel, de rappeler quelques vérités pour le bien de mes patients. A savoir que si les médicaments, ne sont malheureusement pas toujours des remèdes miracles, ils sont parfois absolument nécessaires. Pour ne pas dire vitaux! Et à contrario, ce n'est pas parce qu'ils sont pour moitié en vente libre qu'il faut les considérer comme des "bonbons" inoffensifs pour en abuser!
Voyons donc en prenant quelques raccourcis avoués que l'on me pardonnera, la question du médicament et sa place dans le traitement ostéopathique.
Un médicament c'est quoi?
Un médicament constitue selon le code de Santé publique "Toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ainsi que tout produit pouvant être administré à l'Homme en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger, modifier ses fonctions organiques".
Il faut savoir qu'un médicament a plusieurs noms : le nom chimique, le DCI (dénomination commune internationale) et les noms commerciaux donnés par le laboratoire.
Exemple :
-nom chimique : acide acétyl salicylique
-DCI : aspirine
noms commerciaux : aspegic, kardegic…
Une balance bénéfices/ risques
Suivre un traitement médicamenteux, c'est avoir fait le choix d'accepter certains effets voulus ET des effets non-souhaités. Au risque de vous surprendre, sachez que c'est bien le but d'un médicament que d'avoir des effets secondaires. Les molécules qui le composent vont ainsi avoir dans le métabolisme une cascade de réactions aboutissant certes, à un effet recherché, mais aussi à des effets annexes. Ces derniers seront considérés comme effets indésirables si ils ont:
- un effet toxique à cause d'une durée ou d'une dose trop importante. Sachez dans tous les cas qu'il est couramment admis que tous les médicaments ont une certaine toxicité. Le foie et les reins vont mettre plus ou moins de temps à éliminer cette toxicité.
- un effet immuno-allergique (différent de l'intolérance). Les allergies avérées donnent le plus souvent une éruption cutanée, des démangeaisons, un oedème de Quincke... Et peuvent être mortels. Les allergies les plus répandues concernent l'aspirine, les antibiotiques , la bétadine....
C'est pourquoi une prise médicamenteuse doit toujours être réfléchie pour que les bénéfices à plus ou moins long terme soient de loin supérieurs aux risques pour la santé. Cette réflexion doit être faite au cas par cas en tenant compté d'une pluralité de facteurs tels que les antécédents du patient, son état de santé, le risque d'interaction plus ou moins connues avec d'autres traitements, etc.
Médication ou automédication? Dites-le à votre ostéo!
L'automédication est toujours abordée pendant l'interrogatoire du patient. Il est vrai qu'elle présente l'avantage de pouvoir soulager ses symptômes sans l'intermédiaire d'un médecin avec des médicaments sans ordonnance. Cela permet de décharger le médecin d'une multitude de consultations pour des problèmes de santé bénins et de réduire le déficit de la sécurité sociale. Pour autant, que la médication soit prescrite ou prise en autonomie, elle n'est pas sans conséquence sur la santé! C'est pourquoi il est important d'informer l'ostéopathe sur les traitements en cours et sur sur les pathologies concernées. Le fait est que des médicaments très courants peuvent aussi vous faire du mal! Certains peuvent aussi être liés plus ou moins directement à votre motif de consultation et d'autres peuvent influer sur la manière dont l'ostéopathe va vous prendre en charge.
Aïe j'ai mal! Vite, LES ANTALGIQUES!
La douleur, nous nous en doutons, est le symptômes qui va amener à consulter. Elle est le facteur qui trouble le patient et qu'il veut voir évoluer favorablement, sinon disparaître complètement. Et quand il y est confronté, son réflexe moderne et culturel et de fouiller dans sa trousse à pharmacie à la recherche du cachet qui va pouvoir le soulager au plus vite. Il y trouve fréquemment un antalgique ou anti-douleur. Les ostéopathes s'élèvent généralement contre leur prise à outrance, puisqu'ils ont tendance à masquer un problème plutôt que de le résoudre.
Les antalgiques sont des médicaments très répandus. Ils sont parfois pris pour rendre la douleur plus tolérable avant de rendre visite à l'ostéopathe. Je suis même de ceux qui les conseillent à certains patients pour accompagner leur rétablissement puisqu'ils vont aider à se remobiliser avec moins d'appréhension. La mobilité, c'est la vie, et donc la santé!
Ils sont répartis en 3 niveaux:
-Le niveau I concerne les antalgiques non morphiniques : par exemple l'aspirine, les AINS, le paracétamol... Ils sont disponibles facilement en pharmacie.
Le paracétamol est l'antidouleur par excellence : Il faut éviter de dépasser la dose d'1g tout les 6 h. Pour l'enfant, 15mg tous les 6h). Malheureusement son action n'est pas rapide : il met 30 à 60 min à agir. Et son effet max dure 1h30. Il est antalgique et apyrétiques (= -0,5° en moyenne)
Il devient moins sympathique en cas de surdosage. Les déchets métaboliques du paracétamol sont toxiques pour les cellules du foie. Au dessus de 10g de doliprane par jour il y à nécrose hépatique, c'est à dire destruction du foie et c'est absolument asymptomatique au début! À 90g par jour, le dosage devient mortel.
Il faut donc scrupuleusement respecter les doses prescrites ou au moins la notice. Les patients qui dépassent 5 jours de prise et les personnes âgées peuvent être invitées à réaliser un bilan hépatique de contrôle.
Les AINS (ou Anti-Inflammatoires Non-Stéroïdiens) sont aussi les stars pour lutter contre la douleur. On les connaît sous les noms d'ADVIL, NUROFEN, IBUPROFEN, VOLTAREN, BIPROFEMID... Ils sont antalgiques, antipyrétiques (donc on peut les associer au paracétamol pour faire baisser la fièvre) et anti-inflammatoires. Ce sont donc des médicaments très utiles pour faire baisser: la fièvre, la douleur, la vasodilatation, les contractions utérines (donc intéressant pour les règles)...
Par contre Il faut impérativement respecter la posologie, car ils augmentent:
- les brûlures d'estomac et œsophagites (avec risque d'ulcère sur le long terme!),
- le temps de cicatrisation,
- et la fluidité du sang ( donc risque d'AVC sur les populations fragiles et chez les preneurs d'anti-coagulants; Et risque de nécrose des cellules rénales chez les personnes aux reins fragiles)...
- Plus récemment on a découvert qu''ils pouvaient au même titre que l'alcool augmenter l'effet de certains médicaments. Alors attention à ne pas en abuser, comme l'alcool… ;)
Dans ma jeune carrière de thérapeute j'ai déjà reçu des patients avec des maladies du foie et des insuffisances rénales de causes médicamenteuses. Je peux vous assurer que la mauvaise utilisation de ces médicaments n'est malheureusement pas rare et doit être prise au sérieux. ça n'arrive pas qu'aux autres!
-Le niveau II: Ce sont les opioïdes faibles tel le tramadol (=Topalgic) et la codéine.
La codéine est un antalgique qui se transforme pour 10% en morphine donc en drogue (= on en trouve dans l'efferalgan, le codoliprane... qui sont des mélanges de paracétamol et de codéine).
Les traitements de niveau II sont une solution pour pallier un manque d'efficacité des niveau I . Malheureusement, les antalgiques de niveau II peuvent être dangereux s'ils sont pris sur le long terme. En effet comme beaucoup de drogues au sens strict du terme, ils peuvent entraîner une dépendance voir une addiction plus ou moins consciente. Je l'ai déjà constaté sur des patients souffrants d'arthropathies chroniques et encore plus sur des sportifs cherchant à repousser leurs limites…
L'autre danger, et pas le moindre, est celui du surdosage. Les dosages varient en fonction des marques, il faut le savoir et faire donc attention si on prend déjà des médicaments qui contiennent du paracétamol par exemple.
-Le niveau III: Corticoïdes et morphine
Strictement délivrés que sur prescription médicale, ce sont les antalgiques les plus forts.
Et si mes problèmes venaient… de mes médicaments?
On se doute qu'un mauvais dosage médicamenteux est source de désagrément. C'est le cas de médicaments pour le cœur ou d'anti-vertigineux qui iront perturber leur sphère s'action. Ce que l'on sait moins c'est que des traitements qui n'ont à priori pas grand chose à voir avec le système musculosquelettique, vont bel et bien le faire souffrir. Citons:
-Certains antibiotiques peuvent donner des douleurs aux membres ou causer des tendinites. Comme les quinolones ou les fluoroquinolones...
-Les crampes peuvent venir de statines (les anti-cholestérol qui se terminent en « or »), de corticoïdes, de diurétiques ou d'antibiotiques.
- Les anti-dépresseurs et anxiolytiques vont perturber la tonicité musculaire, voire le transit intestinal.
- D'autres médicaments assez communs peuvent donner des tremblement, une faiblesse musculaire, des troubles de la vue, des vertiges.… C'est pour ça que lire la notice est important. Un motif de consultation peut être en lien avec un traitement médical.
Alors pensez à (re)lire la notice de vos médicaments régulièrement, votre motif de consultation chez votre ostéo est peut être en lien!
"Moi je n'aime pas les médicaments"
Voilà une affirmation que j'entends très souvent quand je demande à ma patientèle si elle est déjà suivie pour une pathologie quelconque et/ou prend un traitement médicamenteux. Si je suis heureux d'apprendre que le goût pour la "médecine douce" est ce qui motive la plupart des patients à venir me consulter, je me sens parfois obligé de les rappeler gentiment à l'ordre: La question n'est pas d'aimer ou non un médicament, elle est plutôt de savoir s'il vaut mieux pour sa santé en prendre ou non. Quoi que l'on puisse en penser, les statistiques le montrent bien: ils sauvent et améliorent les conditions de vie de plus de personnes qu'ils ne font de mal (malgré tout mon respect pour les nombreux patients victimes de malheureuses conséquences gravissimes).
Il reste encore beaucoup à faire en matière d'éducation thérapeutique. En effet, en moyenne 1 patient sur 2 ne respecte pas correctement son traitement médicamenteux ( source: Magazine Dr Good, septembre-octobre 2018) . Les raisons sont multiples: effets secondaires et indésirables comme nous l'avons évoqués plus haut, déni de la maladie, mauvaise compréhension de la maladie, non ressenti des troubles causés par la maladie, etc…
Pour cette simple raison, je vous le dis, cela est potentiellement dangereux pour vous, et… pour votre ostéopathe qui porte la responsabilité de ses choix thérapeutiques. Lors de son traitement, l'ostéopathe peut plus ou moins temporairement dans de rares cas perturber d'avantage des systèmes défaillants. Par exemple, dans le cas d'une ostéoporose mal traitée, le risque de fracture n'est pas à exclure; dans le cas d'une cholestérolémie mal équilibrée une embole peut se détacher et perturber la circulation sanguine; ou encore, dans le cas d'un trouble cardiaque, une manœuvre sur la colonne peut perturber certaines informations nerveuses envoyées au cœur et causer un trouble du rythme, et que dire d'un trouble de la coagulation ou d'un diabète mal traité?, etc… Ces exemples ne sont que purement théoriques et ne sont appuyés à ce jour par aucune démonstration scientifique. Ils n'en sont pas moins plausibles et suffisent à faire d'un patient une petite bombe à retardement pour sa propre santé.
C'est pourquoi, si vous faîtes le choix de ne pas respecter votre traitement médical ou si vous n'êtes pas certains de le suivre correctement, parlez-en au préalable à votre médecin afin qu'il trouve avec vous une alternative.
En conclusion et si vous n'aviez qu'une chose à retenir:
Les médicaments et l'ostéopathie ne sont pas ennemis, loin de là. Cette certitude que je ne manque pas de clamer haut et fort m'a déjà fait perdre quelque patients potentiels. Elle est pourtant la plus intelligente pour concourir à leur santé même si la coopération entre médecins et ostéopathes demeure encore trop mince.
Dans un certains nombre de cas, des médicaments modifieront la prise en charge de l'ostéopathe ( exemple des corticoïdes et des fluidifiants sanguins qui fragilisent la structure du corps) pour des techniques plus sécurisantes.
Dans d'autres situations où l'on suspectera qu'ils sont au cœur du problème, l'ostéopathe vous réorientera directement vers un professionnel de Santé compétent.
Mais la plupart du temps, grâce aux antalgiques notamment, ils vous permettront de mieux attendre la séance d'ostéopathie, mieux la recevoir sans appréhension et de rester mobile après celle-ci, ce qui est fondamental à la guérison
Quelques conseils: Lisez ou relisez toujours la notice d'utilisation en accordant une attention particulière aux interactions médicamenteuses, à la posologie, aux effets indésirables et à la durée du traitement, etc. En cas de doute, n'hésitez pas à demander conseil à votre médecin ou à votre pharmacien.
(Pour aller plus loin: 4000 médicaments sans ordonnance: 120 problèmes de santé expliqués, Pr Jean-Paul Giroud, éditions France-Loisirs)
Les propos relatés ici ne sont donnés qu'à titre informatif et n'engagent que leur auteur, qui n'est pas professionnel de santé. Ils ne se substituent pas aux conseils d'un médecin ou d'un pharmacien.