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Introduire l'ostéopathie dans sa pratique des arts martiaux: un combat gagnant!


Arts martiaux et ostéopathie: même combat!

En ces temps d'examens du baccalauréat, la question du parallèle entre la pratique des arts martiaux et l'ostéopathie pourrait faire l'objet d'un savoureux sujet de dissertation. Mais dans quelle matière? Bonne question! Philosophie? Littérature? Biologie? Physique-Chimie? Sport?... Ce serait sans doute un sujet passionnant à traiter dans beaucoup de domaines.

Il existe tant de manières d'exercer l'ostéopathie! Tant de formes de pratiques d'arts martiaux et de sports de combat! Tenter d'en faire la synthèse nécessiterait alors des talents d'équilibriste puisque chacun aurait son propre avis, sa propre expérience et sa propre sensibilité de la pratique martiale et ostéopathique.

C'est parce qu'on me demande régulièrement mon avis sur le "lien" entre mes deux passions (l'ostéopathie et la self-défense), et sans aller jusqu'à disserter, que je me décide à vous livrer quelques lignes de réflexion sur ce thème. Voyons pourquoi ce parallèle reste délicat à expliquer, mais pourquoi et combien il mérite d'être encouragé. Cette réflexion ne se veut nullement exhaustive et encore moins d'une objectivité irréprochable. Tout ce que je peux faire, c'est apporter mon regard et mon expérience.

L'ostéopathie et le sport

Le lien entre l'ostéopathie et les arts martiaux fait écho au rapport plus général liant l'ostéopathie et le pratique de l'activité physique. Un rapport qui est bien connu et de plus en plus médiatisé. Qui n'a pas vu à la TV lors des Jeux olympiques ou du tournoi de Rolland Garros un ostéopathe s'occuper de nos sportifs préférés? Frédéric Pariaud, ostéopathe et enseignant dont j'ai eu le bonheur d'être l'étudiant, écrivait d'ailleurs à ce sujet que l'ostéopathe était considéré dans l'inconscient collectif comme "l'accompagnateur de nos contemporains, qui n'ont rien de mieux à faire que d'aller s'abîmer la santé volontairement sur les terrains et autres tatamis" (Regards croisés sur l'ostéopathie, édition De Boeck, 2010).

Jean Fancello, éminent ostéopathe interviewé par Lionel Froidure a également évoqué le sujet: (http://www.imaginarts.tv/blog/osteopathie-sports-arts-martiaux/ ) . Il ne me semble donc pas utile de revenir sur ce qui a déjà été dit dans cet excellent interview. Certains confrères qualifieront les explications données par Jean Fancello comme trop simplistes. A mon sens, elles ont surtout le mérite d'être assimilables par tout le monde et porteuses d'une certaine vérité consensuelle.

A vrai dire, l'ostéopathie n'est pas aussi unifiée dans sa philosophie et dans sa pratique que l'on aimerait le croire. Certes, elle repose sur 3 principaux piliers théoriques:

- Une compréhension du corps dans sa globalité

- La reconnaissance d'un lien de cause à effet entre les structures et les fonctions du corps humain

- La capacité d'auto-régulation et d'auto-réparation de l'organisme: l'homéostasie

Ces 3 pilliers sont communs à toutes les pratiques ostéopathiques. La pratique en cabinet varie ensuite d'un thérapeute à l'autre. Chacun ayant une vision propre ou issue d'un courant de pensée de l'ostéopathie, de ses outils diagnostics, et de ses techniques curatives. Seul demeure un impératif: rendre la mobilité aux différents tissus de son patient grâce à l'action de ses mains. Parce qu'en ostéopathie, la mobilité c'est la vie !

En partant du constat qu'il existe L'ostéopathie, ainsi que DES ostéopathes et DES pratiques ostéopathiques, expliquer dans quelle mesure cette thérapie manuelle est spécifiquement bénéfique aux pratiquants d'arts martiaux devient plus ardu.

Cela se complique encore quand on sait qu'il y a DES sports de combat, DES arts martiaux, avec DES pratiques très différentes où des facteurs comme les projections, étranglements, frappes, luxations, se mêlent aux facteurs propres à chaque individu tels que la masse corporel, l'âge, le genre, le rythme et l'hygiène de vie,,etc... Pour faire finalement de chaque pratiquant, pris individuellement, un cas clinique singulier.

Il faut l'admettre, le succès d'une consultation ostéopathique est surtout le résultat de la mutualisation des efforts du patient et de son praticien pour solutionner la problématique du motif de consultation. Le pratiquant, alors même qu'il sollicite son appareil locomoteur plus intensément que l'individu moyen, n'en reste pas moins pour son praticien un patient régit par les mêmes lois de la biomécanique corporelle que n'importe qui.

Vous pourrez parfois découvrir l'appellation "ostéopathe du sport". Cela désigne un thérapeute sans doute plus passionné par les sportifs, qui a dû passer un stage ou diplôme supplémentaire sur le sujet. Il reste avant tout un ostéopathe.

En finir avec une certaine conception sado-masochiste de la pratique martiale.

La Santé du sportif est un des leviers sur lequel l'ostéopathie peut influer. L'ostéopathie peut être une pierre de plus à ajouter dans la balance, car force est de constater que l'encadrement sportif seul, ne suffit pas à empêcher qu'une pratique puisse être délétère pour le corps humain.

Je peux citer quelques anecdotes à propos du monde des arts martiaux.

Je me souviens ainsi qu'au cours de mes études en ostéopathie, j'avais eu de la curiosité pour les questions de santé dans le milieu des arts martiaux. Il m'était même arrivé de me rapprocher d'une certaine fédération... et malgré tout mon respect pour cette institution, je dois dire que j'avais été amèrement déçu à l'époque. J'ai très vite compris que la vision de la santé y était presque exclusivement portée sur la compétition ou la lutte contre le dopage. La prévention, la gestion et le traitement des blessures étaient autant de sujets quasi-absents des communications. Pire: à en croire mes mails laissés lettres mortes, c'était un tabou!

Je me souviens d'ailleurs qu'il y a quelques années, je m'étais rendu à une conférence fédérale "Sport-santé" organisée par un des principaux responsables de la commission médicale: un cardiologue qui était d'ailleurs un pratiquant haut gradé. L'essentiel de la réunion s'était résumé à du charabia technique sur la réglementation de l'arbitrage des compétitions, à des vantardises de ce médecin qui se vantait d'en être bientôt à sa troisième prothèse de genou ou de hanche, et à la diffusion de vidéos voyeuristes de K.O de pauvres compétiteurs en convulsions devant une salle hilare...

Je ne raconte pas le malaise de mon côté de la salle. Moi qui était venu accompagné de plusieurs de mes élèves, eux aussi étudiants en ostéopathie... Pour le Sport-Santé, on repassera...

Plus tard, dans un tournoi organisé par cette même fédération d'arts martiaux j'ai été un témoin direct du manque de considération pour la santé des pratiquants de la part de hautes instances fédérales. A l'infirmerie, j'ai fait l'expérience effarante de voir les infirmiers de la sécurité civile présents pour l'évènement, littéralement débordés par le flux de blessés. Ces braves secouristes ne comprenaient pas qu'il puisse y avoir autant de blessures nécessitant une évacuation vers l'hôpital, même pour un sport de contact. Cela était d'autant plus désolant que les blessés étaient pour la plupart des enfants. Certes le risque est toujours présent, sauf qu'en l'occurrence des progrès auraient pu être faits dans la préparation des compétiteurs et dans l'aménagement d'espaces d'échauffement. Mais là n'est pas le plus important. Ce que je retiens de ce triste jours c'est le commentaire froid d'un directeur technique régional devant une entorse grave de cheville d'un enfant "Pfff c'est que du cinéma!" ou celui d'une mère de famille "Ben on fait du sport de combat quand même, pas de la danse!"...

Facile à dire quand ce n'est pas son propre enfant qui va faire 3 semaines d'immobilisation, dont le cartilage est en pleine croissance et qui dans le meilleur des cas, va voir sa carrière de compétiteur mise entre parenthèses, ou dans le pire scénario, supporter une cheville capricieuse à vie...

Ces anecdotes ne sont qu'un infime exemple du culte de la virilité et de la douleur vécue comme une normalité, presque une nécessité, et qui règne sans véritable fondement dans l'univers des fédérations de sports de combats et d'arts martiaux. Ces anecdotes exposées ici ne se veulent pas forcément dénonciatrices. Ce n'est pas le débat. Elles témoignent juste des normes qui ont court: avoir mal ou de l'inconfort est vécu comme une conséquence normale. Presque comme un signe que l'entraînement et la compétition ont été productifs.

Il n'y a pas besoin de monter aussi haut dans la hiérarchie fédérale sportive pour trouver d'autres responsables aux dommages directs causés au pratiquant. Il suffit d'observer certains enseignants qui font passer leur égo et la tradition avant leur recyclage technique et pédagogique pour observer que de mauvais professeurs font plus de mal à leur élèves que de bien. Ce n'est pas en bâclant les échauffements, en piétinant les abdos de ses élèves, en les faisant pomper et courir pieds nus sur du bitume, en leur provoquant des malaises, ou en leur faisant subir des techniques à 100% d'efficacité à chaque fois que l'on respecte leur intégrité physique sur le long terme. Et un bon pratiquant (jugé par son niveau physique et technique) n'est pas forcément un bon enseignant.

Le plus triste demeure que le pratiquant baigne dans un lavage de cerveau théorique et pratique d'assujettissement constant. De ce fait, Il l'accepte d'autant mieux, qu'il l'entretient en en fait en plus la promotion.

L'art de soigner et l'art de tuer: un lien historique

Heureusement, la santé n'est pas uniquement un mot 'bouton poussoir' de marketing. Chez une partie des pratiquants éclairés, elle fait partie de l'équation qui mènera le combattant vers l'excellence et l'accomplissement de soi.

C'est là, selon moi qu'intervient le risque de faire une erreur importante: celui de surjouer de la vision énergétique du corps humain dans la pratique des arts martiaux.

Evan Pantazi, une des références en combat et traitement par les points vitaux (kyusho et kuatsu), le rappelle judicieusement dans ses ouvrages: A l'origine, le maître du dojo (le sensei) en arts martiaux était aussi bien un professeur, qu'un guérisseur (pour ne pas dire un médecin). Henri Plée dans plusieurs publications le rappelait aussi en soulignant la maîtrise des vieux maîtres dans l'art du "Seifuku", le reboutement des articulations. Cette complémentarité du savoir-détruire et savoir-réparer digne du Yin/Yang a inspiré depuis, la philosophie de vie de nombreux pratiquants occidentaux.

Malheureusement, cette tradition n'a essentiellement réussi à perdurer que par le biais de la médecine énergétique asiatique traditionnelle. La conception structurelle du corps humain sous l'angle de la matière a malheureusement été peu à peu occultée au profit d'une grille de lecture ne raisonnant qu'en chakras et méridiens.

Cela n'est pas forcément un mal puisque la conception énergétique du corps est à mon sens bénéfique et je sais qu'elle est même regardée avec envie par la médecine occidentale moderne dite plutôt "allopathique". Mais en ce qui me concerne, je déplore le paradoxe de l'abandon de certains praticiens en énergétique d'une conception matérialiste plus "biomécanique" dirons-nous. Cela revient en effet à oublier que la matière est d'après les lois de la physique un état de l'énergie qui est concentrée, stabilisée et organisée dans l'espace et dans le temps. Une approche palpatoire est donc tout à fait judicieuse pour effectuer un diagnostic, et une thérapie manuelle devient envisageable pour traiter des dysfonctions.

En un mot: l'ostéopathie et ses lois respectant la biomécanique corporelle était autre fois et sous une autre forme parfaitement complémentaire aux thérapies énergétique dans la prise en charge du combattant. Dommage de l'avoir oublié.

Pour un retour d'une conception plus occidentale et plus responsable du corps à corps.

Parce que la transmission des arts martiaux s'est appuyée traditionnellement sur une vision essentiellement énergétique du corps, on remarque de nos jours la montée de deux tendances chez les pratiquants d'arts martiaux qui l'utilisent pour combattre et soigner.

- Le premier constat est que l'utilisation des kyushos, par sa lecture exclusivement énergétique, a de moins en moins conscience des effets pervers de sa pratique sur les fonctions corporelles "matérielles" sous leur lecture occidentale. J'entends par là que les effets annexes de frappes et pressions sur des cibles précises, créent de réels désordres dans la sphère myo-squelettiques et la sphère neurologique (dont neuro-végétative). J'ai pu ainsi observer sur plusieurs pratiquants une prévalence de dysfonctions ostéopathiques qui s'étaient installées suite aux entrainement kyusho ou dim mak. Il en ressort des perturbations structurelles et fonctionnelles du corps humain.

- Le second constat, qui découle du premier, et que les traitements prédominants dans le milieu des arts martiaux sont monopolisés par les arts énergétiques. Si "soigner le mal par le mal", ou comprenez "traiter les kyushos par les kuatsus (les points qui détruisent par ceux qui sauvent) semblerait légitime, j'ai été consterné de découvrir le manque de maîtrise en anatomie palpatoire de nombreux hauts référents francophones.

D'ailleurs, pour stimuler un point précis, il faut d'abord le trouver. Et en cela il n'y a guère que la matière et le visible de l'anatomie palpatoire pour y arriver. Or, bon nombre de référents en énergétiques stimulent des endroits du corps sans être certains qu'ils sont au bon endroit. Il est déjà parfois difficile de trouver une vertèbre définie pour un ostéopathe ou un kinésithérapeute bien formé, alors quand a la méconnaissance de l'anatomie palpatoire, localiser un méridien invisible pose question! Comment peut-on prétendre stimuler un point curatif, quand on ne sait pas correctement le trouver en anatomie?

Loin de moi l'idée de mettre en cause les bénéfices des thérapies énergétiques, ni les compétences de tous les référents dans le domaine. Je relève simplement par mon expérience personnelle que les perturbations causées au corps humain sont grandement sous-estimées et la pertinence des traitements énergétiques quelque peu surestimée à l'heure actuelle au détriment des thérapies manuelles.

Quel bénéfice retirer de l'ostéopathie pour un pratiquant d'arts martiaux? L'avis d'un enseignant et thérapeute.

Nous l'avons exposé jusqu'à présent, l'ostéopathie doit trouver sa place parmi le quasi-monopole des thérapies holistiques énergétiques et appuyer les pratiques sportives qui respectent la santé des pratiquants. Optimiser les capacités et la gestion des blessures (donc agir en préventif et curatif), c'est parfaitement du domaine de l'ostéopathie pour tout ceux qui voudraient faire le choix d'une activité physique raisonnée. C'est la raison d'être de l'ostéopathie de redonner un maximum de vitalité au corps lors des rendez-vous de la vie : rendre le corps capable de gérer toutes formes d'agression au sens large.

Lors de la pratique, le combattant s'inflige ou reçoit de nombreux traumatismes. Peu importe leur nature, qu'ils soient violents et véloces ou simplement de l'ordre du microtraumatisme.

-Dans le cas des frappes. Lorsque qu'elles sont données elles vont imprégner les tissus du frappeur sur tout le membre. En fonction de leur intensité, leur durée, leur répétitivité c'est toute une chaîne fonctionnelle qui peut réagir en restriction. ( Exemple du coup de poing: dysfonctions de la ceinture scapulaire et de la colonne cervicale...). Quand les coups sont reçus, les informations nerveuses transmises par des capteurs (de pressions, étirement,douleurs etc,) vont pour leur part amener une réponse a plus ou moins long terme de protection, pouvant aussi évoluer en restriction. ( exemple d'une frappe reçue au thorax: dysfonctions costales, viscérales, dorsales...)

-Les traumatismes causés par un travail de clé induira aussi des mécanismes de réponses. Des clés de coudes ou d'épaule ont de fréquentes répercussions sur la musculature environnante, voire sur la laxité avec un impact biomécanique notable. J'ai déjà observé chez un pratiquant qui n'arrivait pas à frapper du revers de la main en "uraken" une dysfonction du coude occasionnée après un travail de clé. Après normalisation ostéopathique, son membre s'est en quelques sorte "souvenu" qu'il pouvait exercer ce mouvement.

-Les étranglements ont aussi des effets perturbants pour l'organisme. Pour les vaisseaux et les nerfs évidemment, mais pour tous les tissus mous et la loge viscérale du cou. De nombreuses cascades de réactions sont possibles. J'ai souvent observé des chaînes dysfonctionnelles aboutissant à des problèmes de déglutitions, de mobilité de la mâchoire, des douleurs cervicales, d'équilibre et de posture.

-L'impact des projections enfin, est trop souvent minimisé. Je ne discute pas l'intérêt de savoir projeter, et encore moins de savoir être projeté. Je ne peux que souligner qu'elle sont très souvent responsables de problèmes de colonne. Même correctement exécutées, elles peuvent perturber l'axe cranio-sacré du projeté qui exécute un "whiplash", c'est à dire le mouvement véloce d'un fouet aux extrémités. Savoir chuter est une nécessité pour savoir se préserver. En abuser est à mon avis contre-productif. Imaginez les mouvements vos vertèbres et aussi de votre cerveau dans la boîte crânienne lors d'un freinage... il se passe la même chose en vous.

En redonnant une mobilité satisfaisante aux complexes articulaires, en relâchant les tensions myo-fasciales, en harmonisant la circulation des fluides, en facilitant l'information nerveuse... un bilan ostéopathique régulier préserve les capacités de compensation. La survenue de la fatigue, de douleurs voire de pathologies peuvent en être en grande partie maîtrisées. Plus simplement, le pratiquant évoluera vers l'entretien de sa santé et non sa dégradation.

Si vous n'aviez qu'une chose à retenir de ce texte, considérez que votre corps est composé de plein de fusibles et de dérivations qui lui permettent de compenser quand certains sont grillés. Plus l'entraînement est intensif, plus vous grillez de fusibles. Vous en grillez encore plus s'il n'est pas mené de manière intelligente et responsable ou si vous ne respectez pas un minimum de règles hygiéno-diététiques. Et quand trop de fusibles sont grillés, le corps s'épuise à compenser jusqu'à l'arrivée de la douleur.

Prenez soin de vous, prenez soin de l'autre. C'est ça aussi le "corps à corps".

Thibaut REVERS

Ostéopathe D.O (RNCP1)

Educateur Sportif ( DEJEPS, BEES1, DIF, AFA)

-Les opinions exprimés par l'auteur ne reflètent que son propre avis sur un vaste sujet-

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